Chers Frères et Sœurs,

Vous avez choisi comme lumière pour éclairer votre pèlerinage à Rome la Parole du Seigneur : « Si tu savais le don de Dieu ».

Vous avez été bien inspirés. Cette interrogation pressante et joyeuse traverse toute la Bible et nous atteint tous : « Si tu savais le don de Dieu ! ». Si tu savais, toi qui cherches à boire, poussé par une soif terrestre, si tu savais la source intarissable ! Elle est près de toi, mais sauras-tu la reconnaître ?

Cette question vous concerne vous aussi, époux chrétiens. Vous le savez bien, vous qui gardez et développez le souci de remonter à la source de votre amour et de votre grâce au sein de vos Equipes, sous le patronage de Notre-Dame, Mère du bel amour.

LE MYSTÈRE DE L’ALLIANCE

1. Dès les origines, le Don de Dieu à l’homme c’est la vie et l’amour. Et ce Don, cette Grâce s’exprime dans la grâce d’un visage, d’une femme, Eve, la mère des vivants, image bien imparfaite, mais image tout de même de la nouvelle Eve, Marie, pleine de grâce. La joie d’Adam, comblé dans son attente, éclate : « Celle-ci est os de mes os et chair de ma chair » (Gen. 2, 23). Tous deux s’extasient devant l’amour et la vie partagés lorsque naît leur premier fils : « J’ai acquis un homme de par Yahvé ! » (Ibid. 4, 1). Et pourtant ils ne soupçonnent pas l’étendu ni la profondeur du don de Dieu (Cf. Eph. 3, 18-19).

Cette Grâce, ce Don de l’amour et de la vie n’est en effet qu’une première étape. Le Seigneur veut se lier à l’humanité, « s’accorder » avec elle. Il fait alliance avec son peuple choisi : « Je suis Yahvé ton Dieu, qui t’ai fait sortir d’Egypte… Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi » (Ex. 20, 2-3). Mais cette Alliance n’est pas un simple contrat ni une alliance politique: comme le Seigneur y engage sa Parole et sa Vie, elle appelle amour et tendresse. L’Alliance s’exprime à travers le signe du Mariage. Les prophètes creusent ce mystère de l’Alliance à travers l’histoire orageuse de la fidélité de Yahvé et des infidélités de son Peuple, parfois même à travers leur propre vie conjugale (Cf. Os. 2, 21-22), et Jérémie va jusqu’à annoncer une Alliance nouvelle (Ier. 31, 31).

Et de fait, « quand vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils né d’une femme » (Gal. 4, 4). Le Christ épouse la condition humaine dans le sein de la Vierge Marie. « Le Verbe se fait chair ». Alliance indéfectible, car rien jamais plus ne pourra séparer l’homme de Dieu, unis pour toujours en Jésus-Christ (Cf. Rom. 8, 35-39). C’est encore en termes d’épousailles que se dit le mystère : Jésus accomplit son premier signe aux noces de Cana (Cf. Io. 2, 11); puis l’Evangile laisse entendre que le véritable époux, c’est lui (Cf. Io. 3, 29 ; Eph. 5, 31-32). Jésus va jusqu’au bout de l’amour (Cf. Io. 15, 13 ; 13, 1), il scelle l’Alliance dans le sang de sa Croix et « remet son Esprit » (Ibid. 19, 30) à l’Eglise, son Epouse.

L’Eglise apparaît ainsi comme le terme de l’Alliance : comblée du don de Dieu, elle est l’Epouse aimée et féconde qui engendre de nouveaux enfants jusqu’à la fin des temps. « Sacrement universel du salut » (Cf. Gaudium et Spes, 41, 1 et 42, 3 ; cf. Lumen Gentium, 1, 1 et 48), elle conduira petit à petit l’humanité, par l’annonce de la Parole et par les sacrements, à vivre pleinement le don de Dieu dans l’Alliance qui lui est offerte.

EUCHARISTIE ET MARIAGE

2. Les Sacrements sont ainsi des lieux de la célébration et de l’accomplissement de l’Alliance. L’Eucharistie l’est à un titre éminent (Cf. Presbyterorum Ordinis, 5), mais le Mariage « intimement lié » à l’Eucharistie (Familiaris Consortio, 57), présente un lien particulier avec l’Alliance. L’ancienne Alliance s’est exprimée dans le signe du Mariage des hommes ; mais la réalité du Mariage chrétien est comme habitée et transfigurée par la Nouvelle Alliance.

J’ai souligné dans l’exhortation apostolique « Familiaris Consortio », consacrée à la famille, à la suite du Synode de 1980, la nécessité « de découvrir et d’approfondir cette relation » (Ibid.). Votre pèlerinage à Rome me donne l’occasion d’ouvrir quelques pistes, qu’il vous appartient d’explorer plus avant.

COMMUNION

L’Eucharistie en effet nous rend accessible l’Alliance, en même temps le don et Celui qui se donne : Sacrement par excellence de l’Alliance, elle est mystère de communion, d’unité, dans le respect de la personne de chacun : « Celui qui mange ma chair demeure en moi et moi en lui » (Io. 6, 56). « De même que… je vis par le Père, celui qui mange ma chair vivra aussi par moi » (Io. 6, 57). Elle manifeste la communion du Père et du Fils dans l’Esprit en entraînant dans cette communion les fidèles, qui se trouvent ainsi en communion les uns avec les autres (Cf. 1 Cor. 10, 17). Par la chair du Christ ressuscité s’opère la communion dans l’Esprit: « Celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un esprit » (Ibid. 6, 17).

L’accomplissement de l’Alliance dans l’Eucharistie se répercute dans l’alliance conjugale. Le Sacrement de Mariage ne réalise-t-il pas aussi une communion où l’unité dans la chair conduit à la communion de l’esprit ? Comme l’Alliance du Christ, l’alliance conjugale entraîne les époux à vivre la fidélité dans « la tendresse et la miséricorde » en même temps que dans « la justice et le droit » (Os. 2, 21). « Le mariage des baptisés devient ainsi le symbole réel de l’Alliance nouvelle et éternelle, scellée dans le sang du Christ. L’Esprit, que répand le Seigneur, leur donne un cœur nouveau et rend l’homme et la femme capables de s’aimer comme le Christ nous a aimés » (Familiaris Consortio, 13). « C’est dans ce sacrifice de la nouvelle et éternelle Alliance que les époux chrétiens trouvent la source jaillissante qui modèle intérieurement et vivifie constamment leur alliance conjugale » (Ibid. 57). Près du Seigneur ils apprennent à aimer « jusqu’au bout », dans le don et le pardon. Et comme Il vit lui-même une Alliance indissoluble, ils apprendront de lui la fidélité sans faille à la parole et à la vie données.

L’Alliance, non seulement inspire la vie du couple, mais s’accomplit en elle en ce sens qu’elle déploie son énergie propre dans la vie des époux : elle « modèle » de l’intérieur leur amour: ils s’aiment non seulement comme le Christ a aimé, mais déjà, mystérieusement, de l’amour même du Christ, puisque son Esprit leur est donné… dans la mesure où ils se laissent « modeler » par Lui (Cf. Gal. 2, 25 ; Eph. 4, 23). A la Messe, par le ministère du Prêtre, l’Esprit du Seigneur fait du pain et du vin le Corps et le Sang du Seigneur ; dans et par le Sacrement du Mariage, l’Esprit peut faire de l’amour conjugal l’amour même du Seigneur; si les époux se laissent transformer, ils peuvent aimer avec « le cœur nouveau » promis par l’Alliance Nouvelle (Cf. Familiaris Consortio, 20).

« Appel du corps et de l’instinct, force du sentiment et de l’affectivité, aspiration de l’esprit et de la volonté » (Familiaris Consortio, 13), par le don du Seigneur l’amour des hommes peut être totalement irradié par la Source de l’amour et manifester véritablement l’Alliance nouvelle et éternelle qui rayonne en lui.

Nous sommes très loin ici, bien sûr, d’une simple poussée instinctive ou d’un simple accord temporaire lié aux intérêts immédiats escomptés auxquels beaucoup de gens, aujourd’hui, tendent à réduire ce don du Seigneur qu’est l’amour !

3. J’ai dit : « Si les époux se laissent transformer », car le don proposé par Dieu ne rencontre pas que consentement : dès les origines il se heurte au refus et à l’orgueil. Les tentatives toujours renaissantes d’un christianisme sans sacrifice sont vouées à l’échec : elles se heurtent à la réalité du péché. La mission du Christ n’est accomplissement de l’homme que par sa mort et sa résurrection. L’Eucharistie nous rappelle sans cesse que le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle est « versé en rémission des péchés » (Matth. 26, 28). L’Alliance est scellée dans le sang de l’Agneau.

Rien d’étonnant alors à ce que le Sacrement de Mariage engage les époux sur un chemin où ils rencontreront la Croix. Croix à l’intérieur du couple, sacrifice de l’égoïsme de chacun, refus, faiblesses, déceptions appelant le pardon, ruptures. Croix venant des enfants, de leurs limites, de leurs infirmités, de leurs infidélités. Croix des foyers stériles. Croix de ceux dont la fidélité à l’alliance suscite moqueries, ironie ou même persécutions. Nous ne vivons pas dans un monde innocent ! L’amour comme toute réalité humaine a besoin d’être sauvé, racheté. Mais la fréquentation de l’Eucharistie permet aux époux de faire de leurs épreuves un chemin de communion, une participation au Sacrifice du Seigneur, une nouvelle manière de vivre l’Alliance et, par-delà la Croix, par-delà toutes les formes de mort qui jalonnent leur existence, d’accéder à la joie : le Mariage chrétien est une Pâque.

4. Le Sacrifice du Seigneur en effet le conduit à la Résurrection et au don de l’Esprit. Il débouche sur l’action de grâce et la louange du Père. C’est bien le sens originaire du mot « Eucharistie » où nous prenons la « coupe de bénédiction » (1 Cor. 10, 16). La bénédiction de l’alliance d’Adam et Eve s’achève dans la bénédiction du nouvel Adam et de la nouvelle Eve. Immergée dans l’Alliance du Christ et de l’Eglise (Cf. Eph. 5, 25 s.), l’alliance conjugale débouche aussi dans la joie, la gratitude et l’action de grâce. En ce sens également chaque famille chrétienne est appelée à devenir une « petite Eglise », un Lieu où retentit la louange et l’adoration (Cf. Ibid. 5, 19). Les époux exercent là leur sacerdoce de baptisés. Foyers des Equipes Notre-Dame, vous avez vous-mêmes contribué à la remise en honneur de la prière en foyer, et vous avez rendu par là un service appréciable. La « reconnaissance », l’action de grâce et la joie fondées non sur l’illusion, mais sur la vérité du don et du pardon, ont aussi un rôle à jouer dans le monde : crispé sur ce qu’il conquiert, il risque de perdre le sens du gratuit. Il se ferme alors à la gratitude, à l’action de grâce, sources de la joie, oubliant qu’il est non seulement « digne et juste » de rendre grâce, mais aussi « salutaire » !

FAIRE L’EGLISE

5. Je viens d’évoquer le service rendu à l’Eglise par la prière des Equipes. Je tiens à insister sur la dimension ecclésiale de votre vocation conjugale. L’Alliance nouvelle et éternelle est offerte à la « multitude » (Matth. 26, 27). Si personnelle que soit la rencontre eucharistique de chaque chrétien, elle concerne le Corps tout entier. « L’Eglise fait l’Eucharistie, mais l’Eucharistie fait l’Eglise ». Par-delà les diversités de race, de nation, de sexe, de classe, l’Eucharistie fait éclater les frontières, le corps eucharistique du Christ construit son Corps mystique qui est l’Eglise. La célébration de l’Alliance nouvelle et éternelle donne pleine consistance à l’Assemblée chrétienne : celle-ci « fait corps » dans le corps du Christ (Cf. 1 Cor. 10, 17). Mais loin de l’enfermer dans l’intimisme de quelque chambre haute, l’Eucharistie la fait éclater aux quatre coins du monde. L’Esprit du Christ ressuscité assure en même temps la Communion et la Mission (Cf. Act. 1, 13 ; 2, 4 ; Matth. 28, 18-20).

« Dans le don eucharistique de la charité, la famille chrétienne trouve le fondement et l’âme de sa « communion » et de sa « mission » : le pain eucharistique fait des différents membres de la communauté familiale un seul corps… » et en même temps il nourrit le « dynamisme missionnaire et apostolique » (Familiaris Consortio, 57). Sacrement de l’Alliance, l’Eglise domestique qu’est le foyer vivra intensément la communion, une communion non point repliée dans l’intimisme, mais toute ouverte à la mission. Cellule d’Eglise ouverte aux autres communautés, la famille chrétienne n’est pas une chapelle fermée, un cénacle. C’est pourquoi vous devez avoir le souci de travailler en communion étroite avec vos évêques et les pasteurs de l’Eglise, à commencer par vos curés de paroisses.

Votre vocation de « bâtisseurs » de l’Eglise commence par un don généreux de la vie (même dans l’Eglise, beaucoup de foyers ne savent plus que « les enfants sont le don le plus excellent du Mariage » (Gaudium et Spes, 50). Elle se poursuit dans les activités multiples que chaque couple peut mener selon sa vocation propre, de la catéchèse à l’animation liturgique ou à l’action apostolique sous toutes ses formes. Chaque foyer apprendra à discerner sa vocation propre en confrontant ses goûts, ses talents et ses possibilités avec les besoins et les appels de l’Eglise et du monde. Car le service missionnaire le plus urgent dépasse les frontières de l’Eglise. Ce monde vieilli (Familiaris Consortio, 6), ne croit plus à la vie, à l’amour, à la fidélité, au pardon; il a besoin de signes de l’Alliance nouvelle et éternelle, qui lui révèlent et l’amour authentique, et la fidélité jusque dans la croix, et la joie de la vie, et la force du pardon ; il lui faut réapprendre le prix d’une parole donnée et tenue, dans une vie offerte. A travers la fidélité des époux, il pourra entrevoir la fidélité du Dieu vivant.

JUSQU’À CE QU’IL VIENNE

6. L’Eucharistie enfin annonce et prépare le retour du Seigneur et l’accomplissement définitif de l’Alliance. L’Eucharistie est une nourriture pour le chemin : elle prépare le temps où elle-même ne sera plus nécessaire parce que « nous le verrons tel qu’il est » (1 Io. 3, 2). Loin de nous conduire à mépriser le temps qui passe, elle nous donne de faire de l’éternel avec du temporel, mais en même temps elle nous évite de nous enliser dans le présent en nous rappelant notre condition de nomades sur cette terre (Hebr. 11, 9-11; Phil. 3, 20 ; 1 Petr. 2, 11). Peuple vers la Cité de Dieu, vers la Jérusalem céleste, où nous serons comblés du don de Dieu.

Cette perspective eschatologique de l’Eucharistie rejaillit jusque dans le Mariage. Celui-ci porte la marque de l’éphémère : « Elle passe la figure de ce monde » (1 Cor. 7, 31). Cependant le corps est plus que le corps, il est le signe de l’esprit qui l’habite (Cf. Jean-Paul II Allocution en Audience Générale du 28 juillet 1982 : vide supra, pp. 132 ss.), le Mariage chrétien est plus que la chair. « L’amour est plus que l’amour » (Paul VI Allocution aux « Equipes Notre-Dame » du 4 mai 1970 : Enseignements de Paul VI, VIII (1970) 427). Transfiguré par l’Esprit, l’amour construit de l’éternité car « l’amour ne passe jamais » (1 Cor. 13, 8). Mais en même temps un amour conjugal authentique, pétri pourtant de tendresse et de fidélité, empêche de s’arrêter à son conjoint en une adoration indue : il conduit de l’alliance conjugale à l’Alliance divine et de l’image à sa Source. C’est pourquoi il se reconnaît inséparable d’un autre signe de l’Alliance : le célibat « pour le Royaume » (Matth. 19, 12 ; cf. Jean-Paul II Allocution en Audience Générale du 30 juin 1982 : Enseignement de Jean-Paul II, V, 2 (1982) 2452 ss.). Celui-ci rappelle à tous que le don par excellence de Dieu n’est pas une créature, si aimée soit-elle, mais le Seigneur lui-même : « Ton époux, c’est ton créateur » (Is. 54, 5). Le véritable Epoux des noces définitives, c’est le Christ, et l’Epouse, c’est l’Eglise (Cf. Matth. 22, 1-14). La virginité consacrée, signe du monde à venir (Familiaris Consortio, 16), retentit comme un appel au cœur de tous les foyers chrétiens. Elle n’est ni peur ni refoulement mais l’appel d’un plus grand amour (Cf. Allocution en Audience Générale du 21 avril 1982 : Enseignements de Jean-Paul II, V, 1 (1982) 1270 ss.). J’ai tenu à rappeler que, en ce sens, « l’Eglise… a toujours défendu sa supériorité par rapport au Mariage » (Familiaris Consortio, 16) même si cela est mal compris aujourd’hui. C’est vous dire l’importance que l’Eglise attache à un certain climat dans les familles chrétiennes pour qu’y fleurisse, dans la liberté et la joie, l’appel à tout quitter pour le Christ.

CHEMINEMENT

7. « Si tu savais le don de Dieu ». Vous n’aurez pas assez, Frères et Sœurs, de toute votre vie conjugale pour explorer l’incommensurable Don de Dieu qui vous est fait dans votre Sacrement de l’alliance. L’Eglise n’aura pas assez de temps sur son chemin terrestre pour explorer le Don de Dieu, « la hauteur et la profondeur, la longueur et la largeur de l’amour de Dieu qui défie toute connaissance » (Eph. 3, 18-19). Raison de plus pour s’y attacher dès maintenant, en foyer, en Equipes et en Eglise.

Pourtant ce rappel de l’ambition de Dieu sur le Mariage de ses enfants pourrait peut-être vous accabler : comment assumer une telle mission parmi les hommes et les femmes d’aujourd’hui ?

Vous avez raison de reconnaître vos limites : l’humilité est le premier pas vers la sainteté Mais vous ne devez pas pour autant rabaisser les ambitions de Dieu sur vous ; comment l’amour pourrait-il subsister s’il ne reflétait la sainteté de sa source, dans la fidélité et la fécondité ? « Si le mariage chrétien est comparable à une très haute montagne qui met les époux dans le voisinage immédiat de Dieu, il faut bien reconnaître que son ascension exige beaucoup de temps et beaucoup de peine. Mais serait-ce une raison de supprimer ou de rabaisser un tel sommet ? »(Jean-Paul II Homélie à Kinshasa du 3 mai 1980 : Enseignements de Jean-Paul II, III, 1 (1980) 1075).

Le décalage que vous percevez entre l’attente du Père et vos pauvres réponses ne doit pas vous paralyser mais vous rendre plus dynamiques encore. Vous savez par expérience qu’une vraie mère ne se fait pas complice des refus de manger, de travailler ou d’aimer de ses enfants ! Elle les presse d’avancer sur la route de la vie, sans faiblesse ni dureté, avec une tendre et miséricordieuse exigence. Mais vous savez aussi par expérience qu’un père aimant n’accable pas ses enfants parce qu’ils grandissent lentement ! Dans l’exhortation apostolique, j’ai parlé non pas de la « gradualité de la loi », car les exigences de la création et de la rédemption du corps nous concernent tous dès aujourd’hui, mais de la gradualité du « cheminement pédagogique de croissance » (Familiaris consortio, 9). N’est-ce pas toute notre vie chrétienne qui doit être pensée en termes de cheminement ?

Dans chacun des domaines où vous vous heurtez à des obstacles, dans l’amour et ses expressions, ses réticences et ses reprises, dans les difficiles problèmes de la régulation des naissances – pour aboutir à des relations conjugales « maîtrisées et respectueuses de la nature et des finalités de l’acte matrimonial » (Allocution au « Centre de Liaison des Equipes de Recherche » du 3 nov. 1979 : Enseignements de Jean-Paul II, II, 2 (1979) 1033) et garder toujours un respect absolu de la vie humaine – et de même pour ce qui est de votre rôle dans l’Eglise et dans le monde, je vous renvoie à ce que vous disait Paul VI dans le célèbre discours qu’il vous adressait en 1970 : « Le cheminement des époux, comme toute vie humaine, connaît bien des étapes, et les phases difficiles et douloureuses y ont aussi leur place. Mais il faut le dire hautement : jamais l’angoisse ni la peur ne devraient se trouver chez les âmes de bonne volonté, car enfin l’Evangile n’est-il pas une bonne nouvelle aussi pour les foyers, et un message qui, s’il est exigeant, n’en est pas moins profondément libérateur ? » (Paul VI Allocution aux « Equipes Notre-Dame » du 4 mai 1970 : Enseignements de Paul VI, VIII (1970) 433).

Vos combats spirituels, et même le regret de vos péchés, confiés au Seigneur dans le Sacrement de la Réconciliation (Familiaris Consortio, 58), ont encore un rôle à jouer : ils peuvent vous rendre plus fraternels envers vos frères et vos sœurs éprouvés par les échecs de toutes sortes, par l’abandon du conjoint, la solitude ou les déséquilibres, et vous aider, sans rien renier de la vocation des couples à la sainteté, à accompagner ces frères et à les remettre en route.

8. Ces dernières réflexions ne nous ont pas éloignés de l’Eucharistie, elles nous y ramènent au contraire : l’Eucharistie n’est-elle pas un viatique pour ceux qui marchent ? N’est-elle pas la rencontre avec Celui qui est la Vérité et la Vie, et en même temps le Chemin ? (Cf. Io. 14, 6)

Alors, Frères et Sœurs très aimés, vivez au cœur du Sacrement de l’Alliance, votre Mariage étant nourri de l’Eucharistie et l’Eucharistie éclairée par votre Sacrement de Mariage ; il y va de l’avenir du monde. Que malgré vos limites et vos faiblesses, humblement et fièrement en même temps, votre lumière brille à la face des hommes. Les hommes de notre temps se pressent autour de tant de sources polluées ! Que votre vie tout entière les conduise au puits de Jacob, que votre vie de couple et de famille les interroge : « Si tu savais le don de Dieu ! ». Qu’en vous voyant vivre ils entrevoient le « oui » enthousiaste du Seigneur à l’amour authentique ! Que votre vie tout entière leur fasse entendre l’appel du Christ : « Celui qui a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi. Comme dit l’Ecriture : de son sein jailliront des fleuves d’eau vive » (Ibid. 7, 37-38).

Que Notre-Dame vous obtienne à tous d’accueillir le Don de Dieu et de le donner aux hommes comme elle l’a fait !

Et moi, de grand cœur, à chacun de vos foyers, à tous les membres des Equipes Notre-Dame, surtout à ceux qui connaissent l’épreuve, et aussi aux prêtres et aux religieuses qui accompagnent votre réflexion, je donne ma Bénédiction Apostolique.

Saint Jean-Paul II – à Rome le Jeudi 23 septembre 1982 pour les Equipes Notre-Dame.

 

 

Source : https://site-catholique.fr/index.php?post/Discours-de-Jean-Paul-II-aux-Equipes-Notre-Dame