Vénérable Marguerite du Saint-Sacrement (1619-1648)


Carmélite, mystique

« Vingt-deux ans après la mort de Thérèse d’Avila, en 1604, six carmélites espagnoles fondaient à Paris le premier carmel thérésien français. Dès 1605, un troisième carmel était fondé à Dijon. Celui-ci fonda des carmels en Franche Comté et en Bourgogne dont celui de Beaune en 1619. Mère Marie de la Trinité y fut chargée des Novices. Mère Élisabeth de la Trinité en devint la Prieure en 1626 et donna un grand essor à ce monastère. En 1630, elle y accueillit une orpheline de 11 ans 1/2, Marguerite Parigot, d’une famille de notables de Beaune; ce sera la Vénérable Marguerite du Saint Sacrement. Sous la conduite de ces deux Mères, la jeune novice orienta vers l’enfant Jésus sa piété précoce. Le divin Enfant combla la « petite épouse de sa crèche » de grâces mystiques. La pratique des vertus religieuses notamment de l’obéissance authentifiait ces expériences étonnantes chez une enfant.

La puissance de sa prière fut bientôt connue au dehors du Carmel. En 1636, la France était attaquée au nord et à l’est, jusqu’à la Saône, qui constituait alors la frontière. Rien ne semblait devoir empêcher les armées ennemies d’arriver jusqu’à Beaune et d’y commettre pillages et massacres. Les habitants de la petite ville étaient terrifiés et la prieure du carmel songeait elle aussi, à fuir le danger. Marguerite assura : « l’enfant Jésus m’a promis que la ville serait épargnée. » Cela se réalisa. La reconnaissance populaire se manifesta par la diffusion de la « petite couronne » préconisée par Sœur Marguerite sur indication céleste : trois « Notre Père » pour remercier Dieu du don qu’il nous fit en Jésus, Marie et Joseph ; douze « Je vous salue Marie » pour honorer les douze années de l’enfance de Jésus.

À quelque temps de là, la France était de nouveau dans l’angoisse : le Roi Louis XIII et la Reine Anne d’Autriche, mariés depuis une douzaine d’années n’avaient pas d’enfant. Il n’y avait donc pas d’héritier pour le trône ! Toute la France invoquait le Ciel ! Sœur Marguerite eut encore une révélation dans sa prière : elle affirma que la Reine allait donner le jour au futur Louis XIV. La mère et le fils en manifestèrent leur gratitude au Carmel. La réputation de Sœur Marguerite ayant ainsi gagné la Cour, elle attira l’attention d’un seigneur normand, le Baron Gaston de Renty.

Ce pieux laïc, marié, père de cinq enfants, était toujours à l’affût de ce qui pouvait alimenter sa ferveur. Il n’hésita pas à se rendre en Bourgogne pour s’entretenir avec la jeune sœur. Gagné à sa dévotion, il en donna l’une des meilleures définitions : « l’esprit d’enfance est un état où il faut vivre au jour le jour, dans une parfaite mort à soi-même, en total abandon à la volonté du Père. » Rentré dans son manoir normand, il envoya à Sœur Marguerite un cadeau de Noël, rien moins que la statut du « Petit Roi de gloire ». En bois sculpté, peint et articulé, cette statuette peut être habillée de vêtements somptueux (elle en possède une collection), parée de bijoux et couronnée. Pour l’honorer dignement, Sœur Marguerite obtint de ses supérieurs la construction d’une petite chapelle attenante à l’église du Carmel. Très vite un mouvement national de pèlerinage se manifesta en direction de l’Enfant Jésus de Beaune, à peu près contemporain de l’Enfant Jésus de Prague. Composée de grands seigneurs et d’humbles gens, l’affluence ne cessera pas jusqu’à 1a Révolution, comme l’attestent les très importantes archives du Carmel. Caché pendant la Révolution, il fut rendu ensuite aux carmélites qui pendant des années, le conservèrent chez elles, en clôture.

Le Petit Roi de gloire a repris sa place en 1873 dans l’église du carmel. Les visites privées ou collectives se succèdent ; une correspondance abondante de demandes parfois poignantes de prières arrive régulièrement au Carmel, avec des remerciements pour les grâces obtenues. Les murs de la chapelle sont tapissés d’ex-votos. Certaines formes de dévotion instituées par Sœur Marguerite se maintiennent : il y a tous les 25 du mois, une prière publique de la « petite couronne » et chaque année, du 25 janvier au 2 février, une neuvaine avec homélie et récitation quotidienne de la « petite couronne ».

Des brochures expliquent aux fidèles le sens de l’esprit d’enfance auquel doit conduire normalement cette dévotion à l’enfance de Jésus. Elle n’a pas été inventée au XVIIème siècle mais remonte au Christ lui-même :

« Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. » (Mt.18, 3) »[i].